Que signifie la déduction des intérêts notionnels pour votre société?

Nous traitons ici de la déduction des intérêts notionnels, des règles applicable et de la manière de la calculer

Que signifie la déduction des intérêts notionnels pour votre société?

1. La déduction des intérêts notionnels en bref

1.1. La déduction des intérêts notionnels, qu’est-ce que c’est ?

1.1.1. D’où cela vient-il ?

Nom officiel : la « déduction pour capital à risque »

Si vous ouvrez le Code des impôts sur les revenus, vous ne trouverez nulle part de mention des « intérêts notionnels ». Officiellement, cet avantage fiscal se nomme en effet « déduction pour capital à risque » (art. 205bis-novies CIR 92). Cette dénomination fait référence au fait que les intérêts notionnels ont pour but de stimuler le financement sur fonds propres (capital + réserves) des sociétés. Le capital à risque est donc basé sur ces fonds propres, avec quelques corrections.

Notionnel = fictif

« Notionnel » est un mot emprunté à l’anglais (« notional ») qui signifie « fictif ». La déduction des intérêts notionnels est en effet un poste de déduction fiscale qui ne correspond à aucun coût ou aucune dépense réelle. C’est pourquoi cette déduction n’est pas mentionnée dans la comptabilité. Elle n’est soustraite du résultat imposable que dans la déclaration fiscale.

Déduction d’intérêts

Les intérêts sont le résultat de l’application d’un pourcentage (le taux d’intérêt) sur le montant d’un prêt. Il en va de même des intérêts notionnels : ils résultent de l’application d’un pourcentage (le taux de déduction) sur le montant du capital à risque, c’est-à-dire sur l’augmentation des fonds propres corrigés. Les intérêts notionnels sont donc des intérêts fictifs, calculés sur l’augmentation des fonds propres (corrigés) de votre société.

1.1.2. Comment a évolué cette déduction des intérêts notionnels ?

Introduite en 2005

La déduction des intérêts notionnels a été créée en 2005, avec trois objectifs :

§  offrir une alternative au système des centres de coordination qui a été supprimé car contraire aux règles européennes ;

§  abaisser le taux réel de l’impôt des sociétés. Une baisse des taux semblait à l’époque politiquement non réalisable. L’introduction des intérêts notionnels a donc permis une baisse de la charge fiscale effective des sociétés sans devoir modifier les taux en vigueur ;

§  renforcer la solvabilité et l’autofinancement des sociétés, donc stimuler les sociétés à financer davantage leurs activités et leurs investissements au moyen de capital et de bénéfices réservés plutôt qu’avec des emprunts.

Devenue moins intéressante au fil des ans

L’avantage de la déduction des intérêts notionnels était assez important durant les premières années. Tout d’abord, le taux auquel la déduction pour les petites sociétés était calculée s’élevait pendant plusieurs années à plus de 4 %. Deuxièmement, la déduction des intérêts notionnels qui ne pouvait pas être utilisée pour cause de bénéfice imposable insuffisant, était reportable sur sept ans.

À partir de l’exercice d’imposition 2013, le taux de déduction a été réduit, année après année, pour finalement aboutir, pour l’exercice d’imposition 2021, à un taux de seulement 0,408 % pour les petites sociétés et de 0 % pour les grandes sociétés.

En outre, depuis l’exercice d’imposition 2013, la reportabilité de la déduction des intérêts notionnels non utilisée a été supprimée. Tout le stock des intérêts notionnels qui a été constitué jusque-là peut encore être reporté.

Déduction des intérêts notionnels incrémentale

Il y a eu une réforme importante de l’impôt des sociétés fin 2017 (L. 25.12.2017, MB 29.12.2017), prenant effet à partir de l’exercice d’imposition 2019. La modification la plus frappante est la diminution des taux de l’impôt des sociétés. Le taux nominal ordinaire est d’abord passé, pour les exercices d’imposition 2019 et 2020, de 33,99 % à 29,58 %, puis, à partir de l’exercice d’imposition 2021, à 25 %. Le taux réduit pour les petites sociétés, progressif jusqu’à l’exercice d’imposition 2018 compris (24,98 %, 31,93 % et 35,54 %) a été, depuis l’exercice d’imposition 2019, remplacé par un taux unique sur la première tranche de la base imposable de 100 000 €. Ce taux est de 20,4 % pour les exercices d’imposition 2019 et 2020 et de 20 % à partir de l’exercice d’imposition 2021.

Pour compenser ces réductions de taux, certaines mesures fiscales favorables ont toutefois été supprimées ou rendues moins favorables. L’une de ces mesures compensatoires est la transformation de la déduction des intérêts notionnels en une déduction incrémentale. Dans ce dossier, vous trouverez plus d’explications quant à son mode de calcul. En un mot, selon les anciennes règles, les intérêts notionnels étaient calculés sur la base des fonds propres corrigés d’une société à la fin de l’exercice comptable précédent, tandis que dorénavant, la déduction est calculée sur 1/5 de la différence entre le montant des fonds propres corrigés au début de l’exercice comptable précédent et le montant des fonds propres corrigés au début du cinquième exercice comptable précédent.

Il est clair que la déduction incrémentale est beaucoup moins avantageuse que l’ancien système de déduction des intérêts notionnels. Un des aspects les plus intéressants de l’ancienne déduction des intérêts notionnels était en effet que la déduction n’était pas seulement calculée sur l’augmentation du capital à risque, mais chaque année sur le montant total de ce capital à risque, donc les fonds propres corrigés.

Exemple

Votre société avait, au 31 décembre 2016, des fonds propres de 120 000 €. Aucune correction ne devait être effectuée, si bien que la déduction des intérêts notionnels pour la période imposable 2016 (exercice d’imposition 2017) est calculée sur ces 120 000 €.

Le taux de la déduction des intérêts notionnels pour l’exercice d’imposition 2017 s’élevait à 1,631 % (pour les PME). Votre société avait donc droit, pour la période imposable 2016, à une déduction d’intérêts notionnels de 1 957,20 € (= 120 000 € x 1,631 %).

Le 31 décembre 2017, les fonds propres de votre société sont passés à 150 000 €. Supposons qu’aucune correction ne doive être effectuée, le capital à risque étant alors égal à ces fonds propres. Le taux de la déduction des intérêts notionnels pour l’exercice d’imposition 2018 est de 0,737 % (pour les PME). Votre société a donc, pour la période imposable 2017, droit à une déduction des intérêts notionnels de 1 105,50 € (= 150 000 € x 0,737 %).

Depuis l’exercice d’imposition 2019, la déduction des intérêts notionnels est « incré­mentale » et est calculée sur 1/5 de la différence entre les fonds propres au début de l’exercice comptable et les fonds propres au début du cinquième exercice comptable précédent. Si les fonds propres de la société s’élevaient à 200 000 € le 1er janvier 2018 et à 100 000 € le 1er janvier 2013, et qu’ils ne doivent pas être corrigés, la déduction des intérêts notionnels s’élève alors, pour l’exercice d’imposition 2019, à seulement 249,20 €, soit (200 000 € - 100 000 €) x 1/5 x 1,246 % (taux de la déduction des intérêts notionnels pour les PME pour l’exercice d’imposition 2019).

 

 

2. Quelles sont les règles du jeu ?

2.1. Votre société doit-elle investir, et si oui, en quoi ?

2.1.1. Votre société doit-elle investir ?

Non, ce n’est pas nécessaire. Pour bénéficier de certains régimes fiscaux de faveur, comme la déduction pour investissement ou la taxation étalée des plus-values, il est requis que la société réalise certains investissements dans un délai donné. Une telle condition n’existe pas en ce qui concerne les intérêts notionnels.

Bien que l’un des objectifs de la mesure soit de stimuler les investissements sur fonds propres (« autofinancement des investissements »), le fait que votre société réalise effectivement des investissements n’a aucune influence (directe) sur les intérêts notionnels.

Il n’est d’ailleurs pas exigé que, lorsque votre société investit, elle le fasse effectivement avec des moyens propres (c’est-à-dire avec de l’argent dont elle dispose à la banque) ou avec de l’argent emprunté. Ce choix n’a en effet aucune influence directe sur les fonds propres. Il n’en a donc pas non plus sur les intérêts notionnels.

2.1.2. L’objet de ses investissements est-il important ?

Oui. Si votre société réalise des investissements, elle devra tenir compte du fait que, pour les intérêts notionnels, certains investissements ne sont pas considérés comme faisant partie du capital à risque. Il en va par exemple ainsi des actions d’une société liée, d’un bâtiment que vous utilisez sur le plan privé, d’investissements qui ne produisent aucun revenu périodique, ...

Ces « mauvais investissements » réduisent donc le montant du capital à risque, ce qui implique aussi une baisse de votre déduction d’intérêts notionnels.

 

2.2. Votre société doit-elle engager ou conserver son personnel ?

2.2.1. Votre société doit-elle engager du personnel ?

Non. Comme nous l’avons déjà vu, le fait que votre société ait ou non du personnel n’a pas d’influence sur la déduction pour capital à risque.

Il n’est pas non plus exigé que votre société engage de nouveaux travailleurs pour pouvoir (continuer à) bénéficier de la déduction. Les sociétés qui n’engagent pas de personnel supplémentaire peuvent parfaitement bénéficier d’une déduction importante au titre d’intérêts notionnels.

2.2.2. Votre société doit-elle conserver son personnel ?

Non plus. Supposons qu’une société ayant, p.ex., dix travailleurs décide d’en licencier deux, ou même de tous les licencier. Cela n’a aucune influence sur la déduction d’intérêts notionnels à laquelle elle a droit. Politiquement, cela peut sembler contestable, mais juridiquement cela ne pose aucun problème.

 

2.3. Faut-il respecter la « condition d’intangibilité » ?

2.3.1. Que signifie précisément cette condition d’intangibilité ?

Pour bénéficier de certains régimes fiscaux de faveur, comme la déduction pour investisse­ment, la taxation étalée des plus-values ou l’exonération des plus-values sur les véhicules d’entreprise, il est nécessaire de respecter la « condition d’intangibilité ». Cette condition implique que les bénéfices exonérés de la société (les « réserves immunisées ») soient comptabilisés et maintenus à un compte distinct du bilan. Ces bénéfices ne peuvent donc pas être distribués.

La conséquence de cette condition d’intangibilité est qu’en fait l’exonération de ces réserves n’est que temporaire. L’imposition des bénéfices en question n’est que reportée. En d’autres termes, l’économie d’impôt n’est pas définitive. Au plus tard au moment de la liquidation de la société, ces réserves seront imposées (car la condition d’intangibilité n’est alors plus respectée, puisque les réserves quittent la société).

2.3.2. Faut-il remplir la condition d’intangibilité pour avoir droit aux intérêts notionnels ?

Non. Autrement dit, la déduction des intérêts notionnels est immédiatement acquise de manière définitive.

2.4. Quelles formalités faut-il respecter ?

2.4.1. Y a-t-il un formulaire spécial à remplir ?

Oui, pour avoir droit à la déduction d’intérêts notionnels, votre société doit joindre le formulaire 275C à sa déclaration à l’impôt des sociétés. Vous pouvez télécharger ce document sur le site du SPF Finances – http://www.myminfin.be. Cliquez d’abord sur « Services interactifs », puis sur l’onglet « formulaires ».

2.4.2. Faut-il introduire une demande ?

Non, il suffit de joindre le formulaire 275C à la déclaration pour demander le bénéfice de la déduction d’intérêts notionnels. Il n’y a rien d’autre à faire.

2.4.3. Avez-vous besoin d’une attestation ?

Non, le formulaire 275C est le seul dont vous avez besoin. Aucune autre attestation n’est nécessaire.

Le fisc doit également disposer de vos comptes annuels, mais il peut les obtenir via la centrale des bilans de la Banque nationale de Belgique (BNB), où vous devez les déposer. Vous pouvez aussi les joindre à votre déclaration à l’impôt des sociétés.

3. Comment la déduction d’intérêts notionnels est-elle calculée ?

3.1. Un pourcentage de l’augmentation des fonds propres corrigés

3.1.1. Jusqu’au 31 décembre 2017 : calculée sur les fonds propres

Jusqu’à l’exercice d’imposition 2018, c’est-à-dire jusqu’à l’exercice comptable 2017 ou l’exercice « à cheval » 2017-2018, le montant de la déduction d’intérêts notionnels à laquelle votre société avait droit pour un exercice comptable donné, correspondait à un certain pourcentage de ses fonds propres. Les fonds propres pris en compte pour le calcul étaient ceux au dernier jour de l’exercice comptable précédent.

3.1.2. Depuis le 1er janvier 2018 : calculée sur l’augmentation des fonds propres

Dans le cadre de la réforme de l’impôt des sociétés (L. 25.12.2017, MB 29.12.2017), la méthode de calcul de la déduction des intérêts notionnels a été fortement modifiée. Depuis l’exercice d’imposition 2019, ce n’est plus simplement le montant de fonds propres de votre société qui importe, mais l’augmentation des fonds propres sur une certaine période !

Plus précisément, le montant de la déduction d’intérêts notionnels à laquelle votre société a droit à partir de l’exercice d’imposition 2019 correspond à un certain pourcentage de l’augmentation des fonds propres de votre société entre le début du cinquième exercice comptable précédent (autrement dit, à la fin du sixième exercice comptable précédent) et celui de l’exercice comptable pour lequel la déduction des intérêts notionnels est demandée (donc à la fin de l’exercice comptable précédent) (art. 205ter, §1 CIR 92). Ces fonds propres doivent toutefois éventuellement être corrigés sur certains points (art. 205ter, §2 CIR 92).

 

3.2. L’augmentation des fonds propres comme base de départ

3.2.1. Qu’est-ce que les fonds propres ?

Capital + réserves

Les fonds propres comptables de votre société correspondent au capital social (libéré) et aux réserves.

Au plus il y a de bénéfices réservés, au plus la déduction est grande

Puisque les réserves font partie des fonds propres, au plus il y aura de bénéfices réservés au sein de la société, au plus la déduction d’intérêts notionnels sera importante.

Autrement dit, les techniques permettant de réduire le bénéfice fiscal de la société afin de réduire l’impôt des sociétés dû, comme l’attribution d’un tantième, la constitution de provisions, etc., ont un effet négatif sur le capital à risque. Ils réduisent donc les intérêts notionnels auxquels votre société a droit. Vous devez donc déterminer ce qui est fiscalement le plus intéressant.

La réduction du bénéfice n’est pas le seul élément négatif pour les intérêts notionnels. Une distribution du bénéfice aux actionnaires les influence aussi négativement. Autrement dit, l’attribution d’un dividende (sur lequel vous ne pouvez d’ailleurs pas économiser d’impôt des sociétés, car le dividende n’est pas une dépense déductible) réduit votre déduction d’intérêts notionnels. Cette distribution réduit en effet les fonds propres de votre société, puisque le bénéfice dont il provient sort alors des réserves.

3.2.2. Quels sont les éléments constitutifs des fonds propres ?

Postes 10 à 15

Concrètement, les fonds propres comptables sont composés des postes du passif du bilan suivants :

§  10/11 – Apports (pour les SRL, SNC, S Comm et SC) ; Capital/primes d’émission (SA)

§  12 – Plus-values de réévaluation

§  13 – Réserves

§  130 – Réserves légales (seulement pour les SA)

§  130/1 – Réserves indisponibles

§  132 – Réserves exonérées

§  133 – Réserves disponibles

§  14 – Résultat reporté (bénéfice/perte)

§  15 – Subsides en capital

Y compris les réserves exonérées et les subsides en capital

Les réserves exonérées (p.ex. la réserve d’investissement, les plus-values de réévaluation, les plus-values exonérées sur véhicules d’entreprise, la partie non encore imposée des plus-values taxées de manière étalée, etc.) font en effet partie des fonds propres et donc également de la base de calcul des intérêts notionnels.

Certaines réserves exonérées et certains subsides en capital doivent toutefois, dans un second temps, être déduits des fonds propres à prendre en compte.

3.2.3. Comment calculer l’augmentation des fonds propres ?

Comparer le début de l’exercice comptable avec celui du cinquième exercice comptable précédent

Vous devez partir des fonds propres au début de l’exercice comptable même, et en soustraire les fonds propres au début du cinquième exercice comptable précédent (art. 205ter, §1, al. 1 CIR 92). Si cette différence est négative, il n’y a alors pas de capital à risque, et donc pas de déduction d’intérêts notionnels. Si la différence est positive, le capital à risque est alors égal à 1/5 de la différence.

Exemple

L’exercice comptable de votre société est « normal ». Autrement dit, il correspond à l’année calendrier. Les intérêts notionnels de l’exercice d’imposition 2020 (exercice comptable 2019) sont calculés sur 1/5 de la différence positive entre les fonds propres au 1er janvier 2019 et les fonds propres au 1er janvier 2014.

Quid lorsqu’il n’y pas encore de « cinquième exercice comptable précédent » ?

Les sociétés qui n’existent que depuis quelques années n’ont pas encore de « cinquième exercice comptable précédent ». Les fonds propres du cinquième exercice comptable sont alors de zéro (art. 205ter, §1, al. 2 CIR 92).

 

3.3. Corrections sur les fonds propres

3.3.1. Quelles corrections ?

Les fonds propres au début de l’exercice comptable et au début du cinquième exercice comp­table précédent doivent éventuellement être réduits ou parfois augmentés d’une série de montants.

Il s’agit de corrections au niveau des éléments d’actif et passif suivants :

§  certaines actions ;

§  certains immeubles ;

§  certains investissements ;

§  actifs dont le coût dépasse les besoins professionnels ;

§  partie exonérée des plus-values de réévaluation ;

§  subsides en capital ;

§  actifs étrangers.

3.3.2. Correction pour certaines actions

Les fonds propres doivent être corrigés pour certaines actions, mais pas toutes.

Précisons tout de même que nous ne visons ici que les actions figurant à l’actif du bilan, donc les actions d’autres sociétés qui sont en possession de votre société.

Quelle correction ?

Lorsqu’une correction est nécessaire, il convient de déduire des fonds propres la « valeur fiscale nette » de ces actions.

La valeur fiscale nette correspond à la valeur comptable des actions diminuée des réductions de valeur sur ces actions dont la déduction n’a pas été acceptée (art. 184ter, §3 CIR 92). Puisque les réductions de valeur sur actions ne sont jamais déductibles, la valeur fiscale nette des actions est donc égale à leur valeur d’acquisition.

Actions en immobilisation financière

Dans un premier temps, les actions comptabilisées parmi les immobilisations financières doivent être déduites des fonds propres. Il s’agit des actions d’entreprises liées ou d’actions considérées comme des « participations ». Il est en principe question de participation lorsque votre société possède au moins 10 % des titres d’une autre société.

Exemple

Le 1er janvier 2014, les fonds propres de votre société s’élevaient à 150 000 € et le 1er janvier 2019 à 250 000 €. En 2018, votre société a acheté 40 % des actions d’une autre société, pour 50 000 €.

Le capital à risque pour l’exercice d’imposition 2020 n’est pas de 20 000 € ((250 000 € - 150 000 €) x 1/5) mais seulement de 10 000 €, à savoir ((250 000 € - 50 000 €) - 150 000 €) x 1/5.

Le résultat serait le même si votre société avait enregistré une réduction de valeur sur les actions le 31 décembre 2018. Cette réduction de valeur n’est en effet pas déductible.

Comptabiliser des actions de sociétés liées ou des participations dans les placements de trésorerie au lieu de le faire en tant qu’immobilisation financière, afin d’augmenter sa déduction d’intérêts notionnels, n’a pas de sens. C’est contraire à la législation comptable, et cela ne lie donc pas le fisc. Autrement dit, la correction ne vise pas seulement les actions comptabilisées parmi les immobilisations financières, mais également les actions qui devraient l’être d’après les règles comptables.

Seules les immobilisations financières composées d’actions doivent être déduites des fonds propres. Les autres immobilisations financières, comme les créances sur les entreprises liées ou les garanties, ne sont donc pas concernées.

Actions donnant droit à la déduction RDT

Pour la plupart des sociétés, il s’agit de deux sortes d’actions : celles qui sont de toute façon déjà exclues car elles sont comptabilisées parmi les immobilisations financières, et les « sicav RDT ».

Placements ordinaires

Les actions comptabilisées parmi les placements de trésorerie ne doivent en principe pas être déduites des fonds propres, sauf s’il s’agit d’actions propres, d’actions de sicav-RDT ou d’actions de sicav de capitalisation.

Actions de sicav

Les sicav sont ce qu’on appelle des « sociétés d’investissement », c’est-à-dire des sociétés qui investissent dans toutes sortes de titres, comme des actions, des obligations, etc. Si votre société achète une action de sicav, elle achète en fait une part d’un fonds d’investissement géré par les gestionnaires de la sicav.

Les investissements en actions de sicav ne doivent en principe pas être déduits des fonds propres, à moins qu’il ne s’agisse d’une sicav de capitalisation ou d’une sicav RDT.

Actions propres

Si votre société a réalisé un « rachat d’actions propres », dans la plupart des cas, les actions rachetées ont été immédiatement détruites. Cela n’est toutefois pas obligatoire. Votre société peut également conserver les actions pendant un certain temps. Elles doivent alors être comptabilisées parmi les placements de trésorerie, au sein d’un compte de l’actif (compte 50). La valeur fiscale nette de ces actions doit également être déduite des fonds propres.

3.3.3. Correction pour certains biens immobiliers

Quels biens immobiliers ?

Sont visés les biens immobiliers qu’a une société dont vous êtes le gérant ou l’administrateur, en pleine propriété, en usufruit, en emphytéose ou en superficie, lorsque vous et/ou les membres de votre famille l’utilisez (conjoint, cohabitant légal, enfants mineurs). La valeur comptable nette de ces biens immobiliers (ou la valeur comptable nette de l’usufruit, du droit d’emphytéose ou du droit de superficie) doit être déduite des fonds propres.

Exemple

Le 1er janvier 2014, les fonds propres de votre société s’élevaient à 250 000 €, et le 1er janvier 2019 à 400 000 €. En 2015, votre SPRL a acheté un bâtiment pour 300 000 € (50 000 € pour le terrain et 250 000 € pour le bâtiment), qui est amorti au taux de 3 %. Fin 2018, donc au début de l’exercice comptable 2019, quatre amortissements ont donc déjà été actés et la valeur comptable nette du bâtiment est égale à 270 000 €, à savoir 220 000 € (250 000 € x 88 %) pour le bâtiment et 50 000 € pour le terrain. Vous utilisez ce bâtiment entièrement comme logement familial.

Le capital à risque pour le cinquième exercice comptable précédent est de 250 000 €. Le capital à risque pour l’exercice comptable 2019 est égal à seulement 130 000 €, même si les fonds propres à la fin de cet exercice comptable sont de 400 000 €. La valeur comptable du bien immobilier que vous utilisez à des fins privées doit en effet encore être déduite de ces 400 000 €.

La différence entre le capital à risque pour le cinquième exercice comptable précédent et l’exercice comptable est donc négative ; la déduction des intérêts notionnels pour l’exercice d’imposition 2020 est donc égale à 0 €.

Quid des biens mobiliers utilisés par le gérant, l’administrateur ou leur famille ?

Les biens mobiliers de votre société tels que les voitures, ordinateurs ou smartphones, qui sont utilisés sur le plan privé, ne doivent pas être déduits des fonds propres. Une exception est toutefois prévue lorsque ces biens sont des actifs dont le coût dépasse de manière déraisonnable les besoins professionnels (voir 3.3.5.).

3.3.4. Correction pour les investissements ne rapportant pas de revenu périodique

Il faut aussi déduire des fonds propres la valeur comptable des « éléments détenus à titre de placement et qui, par leur nature, ne sont normalement pas destinés à produire un revenu périodique imposable ».

Il s’agit des actifs pour lesquels les deux conditions suivantes sont remplies :

§  il doit s’agir de placements pour votre société. Ce qui vise en réalité les actifs que votre société possède de manière « passive », c’est-à-dire ceux qui ne sont liés ni directe­ment, ni indirectement, à l’exercice de ses activités économiques ;

§  ils ne doivent, en principe et de par leur nature, pas rapporter de « revenus périodiques imposables ».

3.3.5. Correction pour actifs dont le coût dépasse les besoins professionnels

Enfin, il faut également soustraire des fonds propres la valeur nette comptable des (parties d’) immobilisations matérielles dans la mesure où leur coût dépasse de manière déraison­nable les besoins professionnels.

Cela vise les immobilisations dont le coût est excessif. À commencer par les voitures coûteuses, dont l’acquisition peut porter à discussion. Il n’est toutefois par toujours facile de déterminer au-delà de quelle limite une dépense devient déraisonnable.

Il est important de savoir que, sur ce point, la charge de la preuve repose sur le fisc. Le contrôleur doit donc disposer d’arguments lui permettant de considérer (une partie d’) une immobilisation comme « excessive ».

Exemple

En 2017, votre société a acquis une Porsche pour 100 000 € (TVA non déductible comprise). Le véhicule est amorti sur cinq ans. Au début de l’exercice comptable 2019, sa valeur comptable nette était donc de 60 000 €. Si le contrôleur considère la moitié de la valeur comme excessive, il réduira alors les fonds propres au 1er janvier 2019, pour le calcul des intérêts notionnels relatifs à l’exercice d’imposition 2020 (exercice comptable 2019), de 30 000 €, donc de la moitié de la valeur comptable nette de la voiture.

Exemple

Dans l’exemple ci-dessus, pour l’exercice d’imposition 2021 (exercice comptable 2020), le contrôleur ne déduira plus que 20 000 € des fonds propres au 1er janvier 2020, puisqu’il s’agira alors de la moitié de la valeur comptable nette au 1er janvier 2020.

3.3.6. Correction pour la partie exonérée des plus-values de réévaluation ?

Les plus-values de réévaluation sont des plus-values exprimées, mais non réalisées, sur des immobilisations corporelles. Une telle plus-value est exonérée puis taxée partiellement chaque année, au rythme de l’amortissement de l’actif auquel elle se rapporte. Puisque l’imposition compense l’amortissement, l’opération est finalement blanche.

La partie non encore amortie de la plus-value, donc à l’exclusion des amortissements, doit être déduite du montant du capital à risque.

Exemple

En 2011, votre SPRL a comptabilisé une plus-value de réévaluation de 150 000 € sur un bâtiment amortissable au taux de 5 %. Le bilan du 31 décembre 2013 (= 1er janvier 2014) mentionne encore une plus-value de réévaluation de 150 000 €, mais la partie exonérée de cette plus-value n’est plus que de 127 500 €, c’est-à-dire 150 000 € - (150 000 € x 5 % x 3 ans). Le montant exonéré de la plus-value de réévaluation est encore de 90 000 € au bilan au 31 décembre 2018 (= 1er janvier 2019).

Le capital à risque pour l’exercice d’imposition 2020 est donc égal à 1/5 de la différence positive entre les fonds propres au 31 décembre 2019, moins 90 000 €, et les fonds propres au 31 décembre 2014, moins 127 500 €.

Exemple

Le 1er janvier 2019, avant toute correction, les fonds propres de votre société s’élèvent à 350 000 €. Une partie d’entre eux provient d’une plus-value de réévaluation de 150 000 € concernant un bâtiment utilisé pour moitié comme bureau, et pour moitié comme logement. Sur cette somme, 120 000 € sont encore exonérés. La valeur comptable nette du logement au 1er janvier 2019 (y compris plus-value de réévaluation) est de 250 000 €. Celle de la partie bureau s’élève à 180 000 €. Les fonds propres corrigés au 1er janvier 2019 sont de :

Fonds propres avant correction

350 000 €

Valeur comptable nette de la partie utilisée par le dirigeant

- 250 000 €

Plus-value de réévaluation sur d’autres actifs

- 60 000 €

Fonds propres corrigés au 1er janvier 2019

40 000 €

3.3.7. Correction pour les subsides en capital

Les subsides en capital sont d’abord comptabilisés au compte 15, un compte de fonds propres, puis progressivement intégrés au résultat, au rythme des amortissements des actifs subsidiés. La partie de ces subsides non encore intégrée au résultat doit également être déduite des fonds propres pour le calcul du capital à risque.

3.3.8. Correction pour les actifs étrangers de votre société

Si votre société possède des actifs à l’étranger, ceux-ci doivent également être déduits des fonds propres, du moins si la Belgique a conclu un traité préventif de la double imposition avec le pays concerné et s’il s’agit d’immobilisations appartenant à un établissement stable ou de biens immobiliers.

Vous devez alors déduire du montant des intérêts notionnels calculés sur le total des fonds propres de la société, la part de ces intérêts notionnels relative à cet établissement ou à ce bien immobilier. S’il s’agit d’un établissement dans un État membre de l’Espace économique européen (EEE), le montant à déduire ne peut pas dépasser le bénéfice de l’établissement ou du bien immobilier.

La part des intérêts notionnels attribuée à l’établissement stable ou l’immeuble étranger est déterminée en multipliant le pourcentage des intérêts notionnels par la différence positive entre :

§  d’un côté la valeur comptable nette des éléments de l’actif de l’établissement stable ou de l’immeuble étranger non exclus ;

§  et de l’autre côté le total des éléments du passif qui ne font pas partie des fonds propres de la société et qui sont attribuables à l’établissement stable ou l’immeuble étranger.

3.4. À quel pourcentage votre société a-t-elle droit ?

3.4.1. Votre société, grande ou petite ?

Quand votre société est-elle grande ou petite ?

Le taux de la déduction des intérêts notionnels dépend de la taille de votre société : grande ou petite, d’après les critères de l’article 1:24 §§1-6 du Code des sociétés et des associations (CSA).

Votre société est petite lorsqu’à la date du bilan du dernier exercice comptable clôturé, elle ne dépasse pas plus d’un des trois critères suivants :

§  un chiffre d’affaires (HTVA) de 9 000 000 € ;

§  un total de bilan de 4 500 000 € ;

§  50 travailleurs occupés en moyenne annuelle.

Lorsque plusieurs de ces critères sont dépassés ou ne sont plus dépassés, cela n’a de conséquences que si cela se produit durant deux exercices comptables consécutifs. Le cas échéant, ces conséquences se font alors sentir à partir de l’exercice comptable qui suit celui durant lequel plusieurs critères ont été dépassés ou n’ont plus été dépassés pour la seconde fois.

Pour les « sociétés liées », ces critères doivent être examinés sur base consolidée (art. 1:24, §6 CSA), c’est-à-dire pour toutes les sociétés ensemble. Même si le septième paragraphe de l’article 1:24 CSA précise que cela ne vaut que pour la « société mère » (au sens de l’art. 1:15 CSA), la législation fiscale ne fait référence qu’aux six premiers paragraphes de l’article.

Pourquoi cette distinction est-elle importante ?

Le taux de la déduction des intérêts notionnels est un demi-pourcent plus élevé pour les petites sociétés que pour les grandes.

3.4.2. Quels sont les pourcentages de la déduction d’intérêts notionnels ?

Le taux des intérêts notionnels est basé sur le taux d’intérêt des obligations linéaires (OLO) à dix ans (art. 205quater CIR 92). Plus précisément, on prend la moyenne de l’indice de référence J pour une obligation linéaire à dix ans, pour les mois de juillet, d’août et de septembre de l’avant-dernière année précédant l’exercice d’imposition, donc p.ex. pour les intérêts notionnels de l’exercice d’imposition 2020, on prend la moyenne de l’indice de référence des OLO pour juillet, août et septembre 2019. Pour les petites sociétés, ce taux est augmenté d’un demi pour cent.

Depuis l’exercice d’imposition 2013, le taux ne peut toutefois plus dépasser 3 % pour les grandes sociétés et 3,5 % pour les petites sociétés. Il n’y a pas de pourcentage minimum.

La table suivante contient les taux des intérêts notionnels depuis leur introduction.

Exercice d’imposition

Grandes sociétés

Petites sociétés

2007

3,442 %

3,942 %

2008

3,781 %

4,281 %

2009

4,307 %

4,807 %

2010

4,473 %

4,973 %

2011

3,8 %

4,3 %

2012

3,425 %

3,925 %

2013

3 %

3,5 %

2014

2,742 %

3,242 %

2015

2,63 %

3,13 %

2016

1,63 %

2,13 %

2017

1,131 %

1,631 %

2018

0,237 %

0,737 %

2019

0,746 %

1,246 %

2020

0,726 %

1,226 %

2021

0 %

0,408 %

 

3.5. Et si votre société a plus d’intérêts notionnels que de bénéfice imposable ?

3.5.1. Comment était-ce avant ?

Le « surplus » était reportable

Les intérêts notionnels sont déduits du bénéfice imposable de votre société. Cela veut dire que, lorsque votre société ne réalise pas de bénéfice imposable lors d’une année, ou lorsqu’elle réalise un bénéfice imposable inférieur au montant de ses intérêts notionnels, elle dispose d’un « surplus » d’intérêts notionnels qu’elle ne peut pas effectivement utiliser. Dans le passé, ce surplus était reportable, c’est-à-dire déductible des bénéfices impo­sables des exercices d’imposition suivants.

Combien de temps était-il reportable ?

Le surplus ne pouvait pas être reporté sans limite de temps, mais seulement durant les sept exercices comptables suivant celui au cours duquel le surplus était « né ».

Exemple

Pour l’exercice d’imposition 2007 (exercice comptable 2006), votre société avait droit à une déduction d’intérêts notionnels de 5 000 €, mais n’avait alors aucun bénéfice imposable. Si elle n’a pas non plus réalisé de bénéfice imposable les années suivantes, alors l’exercice d’imposition 2014 (exercice comptable 2013) était la dernière année pour laquelle ce surplus était encore déductible.

Lorsque, pour un exercice d’imposition donné, vous optez pour la réserve d’investisse­ment, la déduction d’intérêts notionnels ne peut être appliquée ni pour cet exercice d’imposition ni pour les deux suivants. Le délai de sept ans concernant le report des intérêts notionnels est alors prolongé du nombre d’années durant lesquelles leur déduction n’était pas possible, c’est-à-dire de trois ans lorsque l’on opte pour la réserve d’investissement durant un an.

3.5.2. Comment est-ce actuellement ?

Le gouvernement Di Rupo a supprimé la reportabilité des intérêts notionnels, à partir de l’exercice d’imposition 2013 (exercice comptable 2012). Depuis lors, l’éventuel surplus d’intérêts notionnels est donc immédiatement perdu de manière définitive.

3.5.3. Quid du stock de vieux intérêts notionnels reportés ?

Le stock des anciens intérêts notionnels reportés désigne les surplus d’intérêts notionnels qui datent au plus tard de l’exercice d’imposition 2012. Cet ancien stock reste bel et bien reportable, en principe durant les sept exercices comptables qui suivent celui durant lequel le surplus est né.

Exemples

1.      Les surplus d’intérêts notionnels de l’exemple susmentionné pouvaient être utilisés par votre société au plus tard lors de l’exercice d’imposition 2014 (exercice comptable 2013).

2.      L’exercice comptable de votre société se termine le 30 juin. Un éventuel surplus d’intérêts notionnels provenant de l’exercice comptable qui allait du 1er juillet 2012 au 30 juin 2013 (exercice d’imposition 2013) pouvait encore être utilisé, au plus tard, lors de l’exercice comptable qui allait du 1er juillet 2018 au 30 juin 2019.